Les piliers de la couverture médicale

Introduction

Les motivations qui nous poussent à participer à des évènements sportifs et culturels, que ce soit en tant que sportif, artiste, famille de ces derniers, spectateurs, membre de l’organisateur ou partenaire, sont nombreuses et sans limites.

En ce qui me concerne, et ayant, comme beaucoup d’entre nous, largement eu l’occasion de m’y rendre avec, en fonction des évènements, l’ensemble des casquettes citées plus haut, je sais que nous réalisons tous cela pour ressortir de ce genre d’aventure heureux et/ou grandit.

Mais ma profession de médecin au SAMU m’a également donné l’occasion d’assister à des situations bien différentes de celles escomptées. L’accident, la survenue inopinée d’une complication médicale, peuvent transformer à tout moment ces instants d’épanouissement en succession de drames :

  • Celui de la victime et de sa famille évidemment,
  • Celui des organisateurs, responsables de la mise à disposition de moyens jugés pas toujours adaptés, à propos de sujets qu’ils ne maitrisent pas forcément, et avec des solutions recommandées ayant des coûts qui leur étaient parfois difficiles à supporter.
  • Celui des intervenants notamment médicaux, coupables ou suspects de ne pas avoir apporté le service attendu. Eux qui intervenaient à la demande d’un ami organisateur souvent « pour rendre service », sans disposer des moyens médicaux, matériels, statutaires ou assurantiels qui leurs seront exigés par la suite.

En effet, assurer la sécurité des personnes lors d’un évènement est une obligation légale pour tout organisateur. La Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité (Loi n° 95-73 du 21 janvier 1995) définit d’ailleurs la responsabilité des organisateurs concernant l’assistance aux personnes présentes.

Toutefois en l’absence de texte précis définissant le rôle et les attributions de chacun, il arrive bien trop souvent que la simple demande faite à un médecin d’être présent et d’intervenir en cas de problème ne permette pas d’apporter la qualité attendue.

L’amélioration de la réponse va reposer selon moi sur quatre piliers sur lesquels je me propose de revenir avec vous.

Le personnel

Le profil

Si la nécessité d’avoir un médecin dans son dispositif est assez aisée à retrouver, que ce soit:

  • dans les recommandations professionnelles concernant la prise en charge du public. Il faut en général retenir qu’au delà d’une affluence de 10 000 personnes la présence d’un médecin est requise,
  • dans les recommandations fédérales concernant la prise en charge des athlètes. En fonction des risques de chaque sport, les fédérations sous l’égide desquelles se tiennent les compétitions établissent des « normes » concernant la présence de médecins,
  • d’une manière générale auprès des préfectures. En effet certains évènements vont nécessiter une déclaration auprès de ces dernières, notamment lorsqu’une utilisation est faite de l’espace public. Le dossier passant devant une « commission sécurité », lorsque nécessaire, la présence d’un médecin sera alors signifiée.

Pourtant trop souvent le profil et les compétences du professionnel de santé ne sont pas explicitées. Selon moi ce manque de précision provient d’une double méconnaissance:

  • Les organisateurs ne maitrisent pas assez les compétences et la capacité de chaque médecin à prendre en charge certains types de patients,
  • les professionnels de la sécurité, dont les médecins, connaissent insuffisamment l’organisation et les situations spécifiques susceptibles de survenir au cours des évènements concernés.

Le consensus se fait alors autour du « plus petit dénominateur commun »: il faut un médecin, sans précision.

La faible occurence des problèmes, ainsi que le plus grand choix généré et un prix moindre en l’absence de spécification font le reste.

Le choix du « bon professionnel », c’est à dire celui capable de prendre en charge les situations susceptibles de survenir repose sur l’identification des risques engendrés par l’évènement et des missions qui lui seront confiées.

Seul un listing honnête de ce qui peut arriver: chute avec polytraumatisme, arrêt cardiaque, sortie de route de véhicule, intoxication de nombreuses personnes… permettra de s’assurer que le profil des professionnels retenus et le matériel à disposition est cohérent avec ce qui pourra leur être demandé.

De la même façon la nécessité de réaliser certaines missions spécifiques telles que des « certificats d’aptitude » à concourir ou à reprendre la compétition imposera que le médecin connaisse les contre indications à la pratique du type d’activité concerné. Cet élément est d’autant plus important lorsque les fédérations ont établies ou adhèrent à des normes dont la méconnaissance pourrait alors être opposée au médecin ou à l’organisateur.

Le nombre

Le dimensionnement du dispositif en fonction de l’affluence et d’un certains nombre de « facteurs généraux » du site peut être là aussi retrouvé dans des documents reprenant des recommandations professionnelles.

Mais il convient également de tenir compte de critères spécifiques à l’évènement concerné si on souhaite proposer une médicalisation capable de remplir sa mission.

  • nécessité ou capacité à stopper la compétition en cas d’indisponibilité du médecin,
  • étendue du site ne permettant pas de se rendre en tout points dans des délais compatibles avec les missions retenues,
  • présence de lieux « inatteignables » par fermeture des accès à certains moments de l’évènements…

la nécessité d’avoir plusieurs personnels devra alors amener à se reposer la question du profil de chacun. Est-il intéressant et nécessaire d’avoir deux qualifications identiques ou au contraire deux complémentaires.

L’identification de ces différents points et la discussion avec un professionnel (si possible celui en charge de la médicalisation de l’évènement) devrait permettre de choisir le dispositif adapté.

Le Matériel

De la même manière, le matériel médical n’est que rarement pour ne pas dire jamais précisé dans les textes régissant les modalités de médicalisation. Et pourtant nous connaissons tous les limites d’une prise en charge, notamment des patients les plus graves, « à main nue ».

Là aussi c’est la reprise du listing des risques et des missions qui va permettre de définir efficacement le matériel nécessaire.

Malheureusement, trop souvent:

  • l’organisateur n’étant pas un professionnel de santé, il considère implicitement que le médecin « recruté » assurera cette véritable mission que constitue la gestion du matériel,
  • inversement, le médecin à qui on a « simplement demandé » d’être présent en cas de problème, vient donc « armé » de son matériel propre, habituel, qui ne correspond qu’exceptionnellement à celui nécessaire à la prise en charge des patients les plus graves.
  • Enfin parfois, et c’est un moindre mal, du matériel est « emprunté » dans une structure voisine (hôpital, clinique, SDIS). Si cette « solution » permet d’avoir du matériel plus adapté il rend toutefois, en l’absence de convention de mise à disposition, l’organisateur et l’utilisateur vulnérables si survient un dysfonctionnement d’appareil ou une réaction à certains médicaments. En effet, il sera toujours difficile de faire supporter à des organismes (et à leur assurance) n’étant pas informés qu’ils avaient prêté leur matériel, les conséquences négatives de ce « prêt ».

Enfin il convient de préciser que les organisations de secouristes et les ambulances, si elles se doivent de fournir un certain nombre de matériel, dont celui notamment d’immobilisation, ne dispose jamais du matériel médical d’intervention.

En résumé, disposé du matériel devrait donner lieu à la même démarche que celle permettant d’avoir un médecin:

  • identifier quel type de matériel sera nécessaire (si possible avec les médecins intervenant),
  • définir précisément qui sera en charge de le trouver de l’acheminer et qui en aura la responsabilité pendant l’évènement,
  • établir les documents nécessaires à la prise en charge d’éventuels problèmes ou dysfonctionnements liés à leur utilisation.

Le statu et les assurances

Concernant le personnel comme le matériel, leur présence sans statu défini, ne permettra pas de leur faire bénéficier des assurances nécessaires.

En effet, une intervention sans établissement de contrat de travail, sans contrat de bénévole, ou sans note d’honoraire est assimilable à du travail dissimulé. Ce travail « au noir », rend bien évidemment caduque toute assurance ayant pu être contractée. Par ailleurs tous les status juridiques, notamment ceux des personnels hospitaliers, ne permettent pas forcément de percevoir des notes d’honoraires.

Enfin les assurances et Responsabilités Civiles Professionnelles, notamment hospitalières, ne couvrent pas le praticien lors de ses activités en dehors de l’hôpital.

De la même manière, certaines assurances de professionnels libéraux ne couvrent pas les interventions auprès de sportifs de haut niveau ou à l’étranger.

Ainsi le statu et les assurances doivent donner lieu à un examen approfondit afin de ne pas « rajouter des drames aux drames » en cas de problème.

Le Document de Synthèse

Dans certaines situations, les fédérations sous l’égide desquelles se déroule l’évènement, demande à ce que l’organisateur puisse présenter un document explicitant le dispositif de secours.

Au delà de cette « obligation administrative » supplémentaire, il me parait indispensable de pouvoir disposer de ce type d’outil. Je comprends que disposer d’une « énième » liasse de papiers que personne ne nous demandera ni ne consultera jamais est peu attirant. Mais laissez moi paraphraser le Général Eisenhower qui disait: « Le plan n’est rien, la planification est tout ».

Avoir construit un dossier de médicalisation c’est:

  • Avoir dans « l’équipe » (de l’organisation ou médicale), quelqu’un qui a pris la responsabilité d’organiser la médicalisation.
  • Être sur que l’on s’est posé (et donc répondu) à toutes les questions qui figurent dans le texte.
  • Limiter les risques de malentendus, de non-dits, quant aux responsabilités de chacun.
  • Disposer d’un point de départ pouvant donner lieu à des améliorations après chaque évènement.
  • Avoir un document de base permettant de ne pas recommencer à zéro l’année suivant si on doit faire face à un changement de « prestataire ».

Personnellement j’intègre dans tous mes dossiers de médicalisation, (des évènements les plus « anodins » aux compétitions internationales) des réflexions sur les éléments suivants. Etant bien entendu que en fonction de la situation, certains items sont plus ou moins développés voir complètement absents.

  • Périmètre d’intervention,
    • géographique où l’équipe médicale est-elle susceptible d’intervenir),
    • temporel (horaire de présence médicale),
    • personnes concernées par la médicalisation (les athlètes, le public, les 2, combien de personnes ?),
    • pathologies « attendues » (traumatisme, intoxication, insolation..). Il ne s’agit bien évidemment pas d’être exhaustif et de refuser de gérer les autres pathologies mais bien d’anticiper les ressources à avoir à disposition).
  • Personnel (tous les postes ne sont pas nécessairement présents et certains peuvent évidemment être mutualisés).
    • responsable de la médicalisation. C’est la personne en charge notamment de la rédaction du dossier de médicalisation. (Il s’agit souvent de moi).
      • mission
      • profil
    • médecins
      • mission,
      • profil,
      • nombre
    • Infirmier
      • mission,
      • profil,
      • nombre
    • Ambulancier
      • mission
      • profil
      • nombre
  • matériel
    • lots. (ils sont définis par leur but, leur lieu d’implantation, ou le personnel qui l’utilise: lot réanimation, lot IDE, lot infirmerie…)
      • composition
      • provenance (qui le fournit, selon quelle modalité)
      • responsable
  • lieux sanitaires
    • lieux d’examen
    • lieux d’évacuation
  • moyens de communication
    • type (talkie walkie, téléphone…)
    • provenance (qui les fournit)
    • responsable
  • moyens de déplacement
    • type (quad, voiture…)
    • provenance
    • responsable
  • document administratifs
    • accréditation
    • contrats
    • assurance
  • documents médicaux
    • ordonnances
    • traçabilité
    • suivi médical
    • documents spécifiques (détection de la commotion cérébrale par exemple)
    • divers

Si présentée ainsi la charge de travail vous fait peur n’ayez aucune inquiétude, avec un peu d’habitude tout cela se fait aisément. Surtout la balance entre la charge de travail effectuée et la tranquillité d’esprit d’avoir mis en place un dispositif adapté à l’évènement penche toujours du côté de la satisfaction.

Si vous souhaitez plus de renseignements et/ou avoir des exemples concrets de Dossier de Médicalisation, n’hésitez pas à me le dire dans les commentaires en me laissant votre adresse mail, j’essaye de répondre à toutes les demandes qui me sont faîtes.

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